Zeitschrift für Sozialforschung

Volume 5, Issue 3, 1936

Leo Löwenthal
Pages 321-363

Das Individuum in der individualistischen Gesellschaft
Bemerkungen über Ibsen

Ibsen’s plays can be interpreted as experiments in which the ideology of individualism is confronted with the realities of an individualistic society. The result allows of no misunderstanding. The individual has no real chance. Ibsen makes as good a case as possible for the ideology of individualism, because in the choice of his subjects he usually avoids the social problems proper, the questions of poverty and starvation, and concentrates his attention nearly exclusively on private life and spiritual conflicts. This first omission, however, turns into a radical attack. In Ibsen’s plays the soul, this fundamental conception of modern ideology, reveals itself as a focal point of all the social contradictions. In the psychological analysis within his plays, reality acquires a stronger pungency and harsher bitterness than in most of the plays of social propaganda of the time. Even in their private lives, men are mirrored as being dominated by the laws of a society based on private property and competition. A real development of their personalities is denied them. The more they attempt consciously to achieve this, the more intense grow the conflicts within themselves and with others. Ibsen returns to this fundamental conflict ever again in the relationship of man and wife, of parent and child, of lover and beloved. The indomitable influence of these social and economic forces permeates every single trait of his characters, pervades the general atmosphere of his plays : the inexorability of social conditions, which subject the destiny of the individual to the play of blind accident, is echoed in the fear and the terror that animate these plays and that embrace even amorous relationships. Abstract idealistic programs do not change such impotence as the playwright portrays, but help to safeguard it. But Ibsen is not a pessimist. The female characters that he creates represent a glance towards a freer development of humanity. They represent the ability to achieve real happiness and real enjoyment. The demands of these women, which seem egoistic but are clung to with determination of real conviction, are superior to the idealistic assurances of the men who, in reality, bow to the power of the material facts of life. There is a certain rigorousness and utopianism in Ibsen which he shares with certain tendencies of modern society, tendencies to which his conscious intentions are opposed. More characteristic for his general significance, however, is his critical attitude, that would do away with the misery of his time in order to pave the way for a life of real happiness. Because of his individualistic starting point, and in spite of it, he remains a resolute enemy of bourgeois individualism. Les drames d'Ibsen peuvent être considérés comme une expérience qui confronte l'idéologie individualiste avec la réalité de la société individualiste. Le résultat est clair : il apparaît que l'individu n'y a pas de chances réelles. Ibsen rend la justification de l'idéologie bourgeoise aussi facile que possible : il n'aborde guère, dans le choix de sa matière, les questions sociales à proprement parler, la misère matérielle, il se contente presque uniquement de la vie privée et de l'intimité du sujet. Mais en fait, cette concession devient une accusation radicale. L'âme— ce concept fondamental de l'idéologie bourgeoise — se révèle, dans l'oeuvre d'Ibsen, comme le réflexe des contradictions sociales. Par l'analyse psychologique et dramatique des individus, la réalité amère du système „harmonique“ est mise dans une lumière plus crue que dans la plus grande partie de la littérature à tendances sociales de l'époque. Même en tant que personnes, les hommes sont dominés par les lois d'une société, fondée uniquement sur la propriété privée et la concurrence. Un véritable déploîment de leur individualité leur est interdit ; ils sont les victimes d'antagonismes avec eux-mêmes et avec les autres, antagonismes d'autant plus profonds qu'ils cherchent consciemment à mener leur vie individuelle. L'analyse d'Ibsen est particulièrement frappante lorsqu'elle s'attache aux relations entre époux, amants, parents et enfants. L'auteur suit l'influence insurmontable des puissances économiques et sociales jusque dans les traits de caractère les plus particuliers ; de même, ces puissances commandent l'atmosphère générale des pièces : l'angoisse et l'horreur qui les traversent et qui pénètrent jusqu'aux relations érotiques, reproduisent le caractère impitoyable d'une société où chaque destin individuel est livré au hasard aveugle. En même temps, le poète montre que des revendications idéalistes et abstraites contribuent plutôt à la stabilisation de cette impuissance. Cependant, Ibsen n'est nullement pessimiste. Les grandes figures de femmes nous font apercevoir des perspectives d'un développement plus libre de l'être humain : elles représentent la capacité de véritable bonheur et de jouissance authentique. Les revendications, en apparence égoïstes, que ces femmes maintiennent sans fléchir, sont supérieures, même moralement, aux affirmations des hommes qui, en pratique, se soumettent constamment à la force brutale des faits. Dans un dernier paragraphe, on fait la part des tendances progressistes et conservatrices d'Ibsen. Un certain rigorisme, l'agnosticisme et l'utopisme — lequel se trouve surtout dans son idée de la force rédemptrice de la nature — lient Ibsen aux tendances de la société bourgeoise que consciemment il combat. Cependant le motif critique le caractérise plus authentiquement : mettre un terme à la misère du présent qui est un obstacle au bonheur humain. C'est ainsi que, en dépit et à cause de son point de départ idéaliste, Ibsen reste un adversaire décidé de l'idéalisme bourgeois.