The Paideia Archive: Twentieth World Congress of Philosophy

Volume 1, 1998

Aesthetics and Philosophy of the Arts

Evanghélos A. Moutsopoulos
Pages 123-126

Le Suranné Dans L’Art: Immanence et Nostalgie

La catégorie du suranné, appliquée à l’objet esthétique, notamment au produit de l’activité artistique, désigne une mesure, un kairos, qui se situe entre l’ancien qui ne s’érige pas encore en classique et le contemporain qui n’est pas encore jugé démodé. Il qualifie tout objet esthétique en passe d’acquérir une valeur d’ancienneté sans pour autant s’affirmer comme universellement acceptable et sans s’imposer impérativement. Il ne détermine ni ce qui a vieilli ni ce que l’on qualifierait de vieillot; il dénote, plus particulièrement, un état intermédiaire, plus ou moins officiellement reconnu, qu’il relie au présent. Dans cet ordre d’idées, le suranné implique pour la conscience esthétique un jeu dialectique entre ce qui est directement vécu et ce qui est poursuivi, avec, en plus, un rien de dédain, mais aussi avec un certain regret à son égard. Il équivaut à un présent rétentionnel dont on voudrait, mais ne pourrait, se détacher; d’où la nostalgie que la conscience esthétique éprouve pour lui. D’ordre éminemment transitoire, l’objet suranné est un objet esthétiquement intermédiaire qui s’identifie à une hystérésis formelle autant que fonctionnelle. Dès lors, le suranné assure une continuité esthétique, oriente la conscience vers le passé, actualise l’inactuel et cautionne le rapprochement de ce qui est sujet à distanciation.