Roczniki Filozoficzne

Volume 17, Issue 1, 1969

Stefan Swieżawski
Pages 19-40

L’Étude de Saint Thomas chez les Dominicains du XVve Siècle

La connaissance du XVe siècle philosophique et de l’histoire doctrinale dominicaine de cette époque étant encore bien insuffisante, le but de cette étude est de, signaler quelques problèmes, qui permetteraient de saisir de plus près les traits caractéristiques du thomisme dans l’ordre des frères prêcheurs en automne du Moyen Age. — Plusieurs raisons nous expliquent le fait que la doctrine de Saint Thomas ne fut pas reçue et étudiée avec sympathie dans la plupart des centres intellectuels du Moyen Age tardif; la vraie pensée de Saint Thomas fut en plus remplacée par un thomisme, qu’on voulait identifier à Vopinio communis et où l’on voulait voir l’interprétation d’Aristote, la plus authentique et la seule en accord avec les dogmes catholiques. Deux relevées de dates aident de mieux saisir les étapes de cette histoire compliquée. La première des listes nous montre certains points importants pour l’entrée de Saint Thomas et des dominicains dans différents centres de renseignement; la deuxième concerne les commentaires des écrits de Saint Thomas (notes, cours et commentaires publiés) qui parurent entre Saint Vincent Ferrier (t 1419) et François Silvestris de Ferrare († 1524). Le processus d’abandonnement de Saint Thomas authentique se manifestait au XVe s. dans certains faits, dont voici quelques-uns : 1. Un certain irénisme dominicain tendait à réduire au minimum les différences entre les docteurs de l’ordre (surtout entre Thomas d’Aquin et Albert le Grand). — 2. Les tendances vers rétablissement d’une véritable opinio communis en théologie créait de compromis doctrinaux, dont le résultat fut un oubli progressif des points saillants et centraux de la pensée thomiste (surtout de la notion de l’esse chez Saint Thomas). — 3. Pareilles déformations de la pensée philosophique de Saint Thomas apparaissaient progressivement grâce aux besoins pratiques de l’ordre, qui désirait avoir à sa disposition une doctrine simple et facilement assimilable et négligeait souvent „les, germes féconds”, qui animent la pensée thomiste. — 4. Cet état de choses, étant bien défavorable au développement de la réflexion métaphysique, contribuait à l’apparition d’un „thomisme logique” ou à une surabondance de problématique morale. — 5. La philosophie étant considérée de plus en plus souvent comme identique à l’aristotélisme, deux tendances, se dessinent au XVe s.'chez les frères prêcheurs: selon la première il s’agit de comprendre le vrai sens du texte historique d’Aristote ne se souciant pas de l’interpréter en conformité avec la foi, tandis que la deuxième tendance s’efforçait de représenter Aristote à tout prix comme penseur orthodoxe et Saint Thomas comme son interprète, le seul authentique et fidèle. Cette dernière tendance, selon laquelle le seul mérite de Thomas d’Aquin serait d’avoir „baptisé” Aristote et de créer une grandiose synthèse théologique, laissait dans l’ombre de l’oubli la profonde originalité de la philosophie de Saint Thomas — et a grandement contribué à présenter le thomisme comme une sorte d’„aristotélisme chrétien”.