Roczniki Filozoficzne

Volume 13, Issue 1, 1965

Stefan Swieżawski
Pages 43-60

Remarques Methodologiques Concernant les Recherches sur la Philosophie du XVe Siècle

1. L’emploi légitime que fait l’histoire de la philosophie de termes tels que „école, courant, orientation, époque” ne manque pas de présenter certains dangers. Le premier de ces dangers c’est la tendance à réifier ou à personnifier des généralisations que l’on traite en êtres possédant leur „vie” propre. Un autre danger se manifeste dans l’attribution illicite de contenus idéologiques à certaines notions; dans notre cas il s’agit surtout de deux paires de notions: scolastique — humanisme et moyen âge—renaissance. a) La scolastique et l'humanisme peuvent être conçus comme des ensembles d’opinions (difficiles à déterminer) ou encore comme différentes styles de production culturelle. Les éléments humanistes, en effet, ne caractérisent pas l’epoque moderne seule; quant à la scolastique, eile n’a jamais cessé d’apparaître dans la vie de l’esprit en Europe. Les textes philosophiques et théologiques du XVe s. prouvent que, la plupart du temps, des éléments humanistes y coëxistent avec des manifestations d’esprit purement scolastique. Le fait que la grande majorité des historiens qui étudient la philosophie de cette époque ne s’attachent qu’aux auteurs décidément humanistes cause une grave lacune dans les exposés de l'histoire de la philosophie européenne; les médiévistes n’avancent pas au delà du XIVe s. et les historiens de la pensée moderne ne commencent par la Renaissance que pour introduire Descartes ou Fr. Bacon! Dans cette nouvelle perspective apparaït l'importance des recherches concernant toutes les manifestations philosophiques au XVe s.; l’étude de la philosophie polonaise à cette époque contribue grandement à la connaissance de la philosophie européenne d’alors et vice-versa. b) La deuxième paire de notions: moyen âge — renaissance présente pareilles difficultés. S’opposant à une acception péjorative ou apologétique du terme „moyen âge”, une réflexion approfondie nous révèle chaque époque comme „moyenne” (un transitus perpétuel) et comme une renaissance (retour et stabilité de traditions). Dans l’étude de l’histoire des idées les historiens doivent envisager aussi bien les points de changements violents que la continuité des processus; ils ont l'obligation de faire connaître les critères d’après lesquels certains faits et certains processus leur paraissent plus importants que d’autres. 2. La détermination précise de l'objet de l'histoire de la philosophie ne peut jamais dépendre du nom même de „philosophie” dont le sens varie et évolue profondément. À l'encontre de ce critère purement verbal il en faut introduire un autre suivant lequel sera philosophique tout ce que jugera tel l'historien de la philosophie, selon sa propre conception de la philosophie. En ce qui concerne la philosophie du XVe s., les titres des ouvrages ne nous disent rien de précis sur leur contenu; les écrits théologiques, ascétiques, médicaux, juridiques, économiques, astronomiques etc. contiennent à cette époque de riches éléments philosophiques. 3. Deux questionnaires sont des outils fondamentaux pour l'historien de la philosophie dont l'objet „matériel” de recherches reste toujours un texte écrit: le questionnaire philosophique (relevé de problèmes philosophiques) et le questionnaire historique (liste de tous les conditionnements qui entourent chaque fait philosophique). La vie philosophique du moyen âge tardif est bien différente de celle des grands siècles de la scolastique. a) II ne faut point négliger le rôle joué à cette époque par le naturalisme (biologisme et laïcisme), l’occultisme et la „nouvelle théologie”. b) La Philosophie du XVe s. ne devient objet passionnant de recherche que pour ceux qui ne s’attachent pas uniquement aux „grandeurs” et à l'originalité philosophique et qui sont persuadés qu’il n’existe pas d’époque non-intéressante pour l'historien de la philosophie. L’éclectisme, si caractéristique du moyen âge tardif, ne semble pas être seulement un symptôme de faiblesse intellectuelle mais aussi résulter de la rechercher consciente d’une communis opinio, reconnue comme antidote contre le déchirement intellectuel de la chrétienté, causé entre autres par les querelles d’écoles (Gerson); c’est un fait parallèle au conciliarisme, à l'irénisme et à l'oecuménisme dont rêvaient les grands esprits de cette époque.