Journal of Philosophical Research

Volume 27, 2002

Gilbert LaRochelle
Pages 341-370

Préjugé et Éthique dans L’Épistémologie Poststructuraliste

La déconstruction des représentations modernes se réclame aujourd’hui de plus en plus de la suspension des critères du jugement non pas à l’instar des règles de la morale chrétienne (“qui es-tu pour juger?”), mais plutôt par une destitution des finalités de tout arrière-monde. Dans cette optique de reconfiguration des catégories, parler du préjugé revient, d’entrée de jeu, à s’exposer dans le cadre d’une métaphysique de la modernité et à évoquer un report possible à l’objectivité. Or, les basculements contemporains dans l’ère du soupçon appellent malgré tout une interrogation: Où est donc passé le préjugé? De quelle histoire restet-il la trace? Cet exposé montre que, loin d’être nié ou confiné à un champ de représentations archaïques, il est plutôt en voie d’être réhabilité, pourvu d’une nouvelle dignité sans le nom, d’ailleurs péjoratif, voire transformé en catégorie épistémique au nom du relativisme et de l’incommensurabilité des univers de sens. Il semble passer de nos jours par un accueil acritique de la contingence ou par l’abandon à une compréhension préréflexive du monde comme possibilité maximale de toute entreprise cognitive. Le propos tente de dégager les difficultés théoriques que pose le projet de la suspension du jugement dans l’épistémologie poststructuraliste.